L’homme, arrivé en Corse depuis au moins 9 000 ans, a laissé dans la région de spectaculaires témoignages d’une civilisation remontant aux deux derniers millénaires avant notre ère. Les hommes de l’Age du Bronze avaient installé leurs habitats sur des buttes ou des plateaux dominant les vallées. Ces casteddi étaient fortifiés par une ou plusieurs enceintes de pierres protégeant la torra, édifice massif de forme circulaire. Ces architectures, surtout défensives, servaient aussi à des usages domestiques plus quotidiens. De nombreux stantari (menhirs), des stazzone ou tole (dolmens) et des bancali (coffres funéraires) témoignent de l’importance de l’art et des croyances de cette civilisation mégalithique. C’est à Palaghju, près de Tizzà (Tizzano), que se trouve la plus grande concentration de menhirs des pays méditerranéens.
Le 16e siècle fut une période noire pour les communautés de l’île. Les razzias des pirates “barbaresques” s’intensifièrent vers 1530 pour atteindre leur paroxysme entre 1570 et 1620. Les “turcs”, souvent originaires du Maghreb, tenaient les côtes de l’île. Villages attaqués, maisons et cultures détruites, habitants emmenés en captivité… Les terres littorales furent désertées. Gênes décida alors d’un ambitieux programme de construction de tours de surveillance et de défense. De 1530 à 1620, une centaine de tours furent édifiées aux frais des populations, qui durent acquitter un impôt spécial sur le sel. La décision de bâtir celle de Porto Erice (ancien nom de Campumoru) intervint aussitôt après le sac de Sartène en 1583. En 1586, après un an de travaux, la plus massive des tours de Corse était achevée. Une exposition, dans la tour de Campumoru, raconte cet épisode de l’histoire Corse. La tour de Senetosa, bien plus tardive, est l’une des dernières édifiées en Corse, comme sa voisine de Roccapina, sous la conduite de Giovanni di Cauro.
Le phare de Senetosa, lui, raconte une autre histoire. Le 17 avril 1887, le Tasmania, vapeur de la Peninsular and Oriental Line, parti de Bombay, s’abîme sur les récifs des Moines. Si les passagers sont tous sauvés, une partie de l’équipage, dont le capitaine, meurt dans la catastrophe. Ce naufrage connait un fort retentissement : le navire transportait des invités au Jubilé de la reine Victoria, dont le maharadjah Sir Portab Singh chargé d’offrir à la reine un coffre de pierres précieuses. Les bijoux sont sauvés, mais le chargement, ivoire, opium, indigo, coton, sésame, peaux, épices, café, reste au fond de l’eau. La puissante, Lloyd’s, qui assurait le Tasmania, fait pression sur le gouvernement français pour qu’un phare signale les dangereux écueils des Moines. Dans un contexte de rapprochement diplomatique entre le Royaume-Uni et la France, le service des Phares et Balises est chargé de le bâtir au plus vite. Ainsi, dès 1892, le phare de Senetosa est allumé. Très original, il est l’unique phare de France à être conçu avec deux tours : une tour pour la lanterne, la seconde pour porter un secteur de verre rouge destiné à signaler précisément les Moines. Ce phare terrestre, isolé sur la côte, sans accès routier, offre à ses gardiens des conditions de vie quasi insulaires : la relève s’y fait notamment par bateau. Cette situation particulière a conduit le Conservatoire du littoral à le transformer en refuge littoral, le premier de Corse.
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