Le site du cap La Houssaye tire son nom de M. Guillaume La Houssaye, capitaine de marine breton qui effectua entre 1689 et 1712 6 navigations dans l’océan indien dont 5 avec escale à La Réunion. Sa capacité de médiation pour résoudre les difficultés entre colons ou avec la Compagnie des Indes en fit un personnage très apprécié de la fin du XVIIème siècle. Un gouverneur de l’île baptisa le cap de son nom quelques décennies plus tard afin de rendre hommage à son action.
Extrait de « Les savanes du littoral sous le vent : configuration, dynamique et enjeux d’un paysage en sursis » ; recherche effectuée sous la direction de Serge Briffaud et Alexandre Moisset, CEPAGE, 2002, Conservatoire du littoral.
« À la fin du XVII° siècle et au début du siècle suivant, les navigateurs et représentants en mission qui évoquent les paysages du bas versant, entre la Possession et Saint-Louis, insistent sur l'aridité et la stérilité qui s'en dégagent. Le commandant Guillaume Houssaye affirme ainsi, en 1689, que «de Saint-Gilles à l'Etang-Salé, tout ce pays est brûlé et n'est presque que roche où il ne croît rien du tout que des arbres de benjoin et de latanier dont les cabris vivent».
Cette partie basse du versant sous le vent, proche des toutes premières implantations humaines est le premier espace à avoir été défriché et mis en valeur, dans le contexte, d'abord, d'une économie agro-pastorale de subsistance. «Nous pouvons estimer peuplée et mise en valeur au début du XVIII° siècle, écrit Defos du Rau, une bande côtière allant de la Rivière Saint-Gilles à la Rivière du Mât et ne s'élevant très probablement pas à plus de 200 à 300 mètres» 13. De cette exploitation agricole ancienne du bas versant témoignent aujourd'hui les nombreuses traces, visibles sur le terrain, de terrassements et, surtout, d'épierrements.
Ni la proximité de cet espace, au voisinage des secteurs les plus densément peuplés de l'île, ni sa remarquable propriété de marqueur de temps ne semblent pourtant suffire, en apparence, à nourrir un véritable attachement des Réunionnais au paysage des savanes. Pour la plupart, la savane est une "friche", un espace délaissé, inutile, perdu. Ce rejet, voire cette occultation, à son reflet dans l'absence de véritable valorisation touristique d'un paysage qui n'est pas objectivé comme tel.
Seul le Cap La Houssaye a aujourd'hui droit à une représentation en carte postale, mais — et c'est remarquable — seulement quand la saison des pluies le transforme en un "green" verdoyant.
On peut cependant observer, dans le même ordre d'idée, que le rapport vécu des Réunionnais à la savane contraste avec le discours le plus fréquemment tenu à son sujet. La savane est en effet, d'une façon générale, un espace plus fréquentée qu'on ne pourrait le croire. Elle est traversée, sur des chemins presque toujours en bon état, par de nombreux piétons qui circulent, hors des voies routières, entre les pôles urbains du rivage et ceux des 400 m. Les "chemins-savanes" relient par ailleurs les habitations entre elles, par des raccourcis qui matérialisent, autour des quartiers anciens de cases, de véritables réseaux de sociabilité. La savane est également fréquentée comme un espace de loisir par les populations qui vivent à proximité. C'est en particulier le cas au Cap La Houssaye, où les jeunes et moins jeunes de Plateau Caillou, de Fleurimont et de l'Eperon viennent profiter de cet espace libre pour courir, jouer au football, ou simplement se promener et se réunir entre amis le soir venu. Des sorties naturalistes sont enfin organisées sur les savanes par les établissements scolaires, qui tirent parti de la proximité immédiate de ces espaces (de telles excursions sont par exemple proposées sur la savane du Cap La Houssaye par l'école primaire de Plateau Caillou).
Il existe donc un contraste assez marqué entre le vécu et le perçu des savanes, sans doute, pour une large part, parce que ceux qui formulent des représentations de cet espace ne sont précisément pas ceux qui entretiennent avec lui une véritable intimité sur le plan du vécu. »