La flore
Dans un contraste savoureux, végétation littorale et plantes exotiques ramenées de voyages au long cours se côtoient de part et d’autre des murets des jardins. Les scilles printanières, essences particulières à Ouessant, parsèment en avril les pelouses rases de l’île. Associées aux fétuques pruineuses, aux jacinthes, aux arméries et aux silènes maritimes, elles composent près des affleurements rocheux de magnifiques parterres aux nuances rouges, bleues, mauves et blanches. Un étage plus haut, les prunelliers se transforment à la même période en buissons floconneux. Il faut attendre les premières gelées d’automne pour goûter leurs fruits ronds et âcres et bénéficier de leurs propriétés toniques. En mai, le jaune des genêts, prostrés par endroits sous l’influence des embruns, a pris le relais. Bruyères cendrées, callunes et ajoncs de Le Gall fleurissent ensuite au cours de l’été. Ils enchantent alors de leurs teintes mauves et jaunes les landes atlantiques. Par endroits, demeurent encore d’anciens enclos à ajoncs d’Europe cultivés jadis pour l’alimentation et la litière animale. Vestiges d’une pratique liée à l’autarcie séculaire de l’île, ce n’est que dans la deuxième partie du XXe siècle qu’ils s’enfricheront peu à peu. Tout au long de la côte, plusieurs variétés de saules poussent dans de petits vallons humides. Bien à l’abri du vent, entre maison et clos, les ombelles roses des amaryllis et les fleurs bleues des agapanthes évoquent les escales sud-africaines des ouessantins, leurs années d’absence et le retour au pays.
La faune
Située sur un important couloir migratoire, Ouessant présente une avifaune remarquable. Les falaises du nord-est sont les plus hautes de l’île. Elles culminent à près de 60 mètres et servent de refuges à des colonies d’oiseaux marins. À mesure que l’automne approche, d’importants cortèges s’y succèdent. En provenance de l’Atlantique Nord, puffins des Anglais, sternes Pierregarin et arctiques survolent en septembre les pointes de Cadoran et du Creac’h afin de rallier le Sud, suivis de peu en octobre par les pingouins torda et les guillemots de Troïl. L’île de Keller, située au large de la pointe de Calgrac’h, accueille la plus grande colonie de goélands marins de France et l’une des plus importantes colonies de cormorans huppés de Bretagne. D’un bout à l’autre de l’année, par temps couverts ou ensoleillés, les goélands marins survolent les falaises et patrouillent en mer pour écumer flots et rivages. Qu’une proie soit repérée et l’attaque sera foudroyante. Avec 1,70 m d’envergure, des pattes et un bec robustes, le seigneur au manteau noir ne fera aucun quartier. Oiseau mystérieux s’il en est, le pétrel tempête vit en mer la majeure partie de l’année. Voltigeant au ras des vagues, cet oiseau marin, le plus petit d’Europe, aime suivre les navires loin des terres. Au printemps, lorsqu’il se rapproche des côtes d’Ouessant pour nicher, il ne se déplace que la nuit. Ses moeurs nocturnes et sa voix éraillée en font un animal qui inspire bien des légendes. Sur les pelouses rases, les craves à bec rouge volent en couple à la recherche de larves et d’insectes. C’est en hiver que le phoque gris met bas sa progéniture qui trouve refuge dans les grottes marines de Cadoran. Très tôt éveillés aux joies de la pêche, les jeunes attrapent les poissons à¨l’agachon¨, sorte d’affût pratiqué à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. L’abeille noire sauvage, élevée à l’origine partout en France, a peu à peu disparu du continent du fait de l’introduction d’espèces plus productives. L’isolat naturel de l’île d’Ouessant la prédestinait à être l’un des derniers conservatoires de cette espèce rustique.